Biotechs & financement participatif : 2018, c’est incontestablement l’année du plébiscite.

Les entrepreneurs en santé ont de plus en plus recours aux particuliers pour financer leur projet. C’est ce que constate Louise Chopinet, responsable développement et filière santé chez Wiseed : « Par rapport à l’an dernier, il y a eu nettement plus de biotechs et medtechs dans le dealflow en 2018 : les dirigeants, dans ce secteur, commencent à comprendre que le crowdfunding peut être une solution pour eux ». En 2017, Poietis (1,1 M€), Ecrins Therapeutics (418 k€), Alma Bio Therapeutics (155 k€) et Pili (350 k€) avaient levé des fonds sur la plateforme toulousaine. Op2Lysis, qui développe un traitement médicamenteux de l’AVC, était la dernière arrivée fin 2017 pour un premier tour de financement qu’elle a finalisé en mai 2018 (345 k€ sur la plateforme et 630 k€ au total). Avec ces fonds, la start-up, créée en 2016, ambitionne d’entrer en phase clinique début 2021.

Fin septembre, c’est E-ophtalmo qui a conquis 446 souscripteurs avec sa solution de télémédecine pour le dépistage accéléré de la rétinopathie diabétique, et levé 356 k€. Cette société lyonnaise est la première en e-santé à s’appuyer sur Wiseed. « Nous avons été séduits par son modèle BtoB – elle permet à des orthoptistes de faire des examens du fond du l’œil à la place des ophtalmo- logues surchargés, alors que la plupart des initiatives en e-santé sont généralement des solutions BtoC », confie Louise Chopinet. « Nous allons essayer de multiplier les dossiers de ce genre en 2019. » Dans le même temps, Lattice Medical a terminé une collecte à 318 k€ auprès de 441 wiseeders, dans le cadre d’un tour plus large d’1,2 M€. La medtech lilloise a développé une prothèse personnalisée de reconstruction mammaire qui fonctionne par régénération naturelle du sein (lire Biotech Finances no 823). « Le succès de Poietis, avec une technologie similaire d’impression 3D, a facilité l’adhésion de notre communauté au projet Lattice », explique Louise Chopinet. La présence de co-investisseurs dès le départ, avec des fonds publics, a également joué en faveur du dossier. La seule levée encore en cours sur Wiseed est celle d’Infinite Vision Optics, société strasbourgeoise qui développe des lentilles intraoculaires innovantes. « C’est une entreprise qui est déjà en phase commerciale (marquage CE), ce qui est assez rare sur notre plateforme ; son tour de table est déjà bien constitué et nous venons en complément ». La clôture est prévue en novembre avec un objectif de 300 k€. Encore en phase de sélection : c’est-à-dire soumise au vote des adhérents de la plateforme.

– Nixys pourrait commencer à lever des fonds cette année encore. Cette medtech développe des dispositifs médicaux innovants pour la sédation consciente au protoxyde d’azote. Si les « entrées » sont nombreuses, les sorties ne sont pas inexistantes. Après Antabio, c’est Ambiotis, spécialisée dans l’inflammation et financée auprès de 50 wiseeders en 2010 dans un tour de 210 k€, qui est sortie du portefeuille. Les dirigeants ont racheté la part de 5 % détenue par les investisseurs particu- liers grâce à un montage de type LBO, avec un retour sur investissement de 27 % (sans défiscalisation). De manière générale, entre 10 et 20 % des projets reçus par Wiseed concernent la santé. Depuis sa création en 2008, la plateforme en a étudié 350 dans ce secteur et, en 2018, 16 auront été retenus et soumis au vote, contre 11 en 2017. « La clef du succès en crowdfunding réside dans la capacité de l’entreprise à mobiliser son réseau, à communiquer sur son projet et à s’assurer une présence numérique forte, pas uniquement sur les réseaux sociaux, mais sur le Web en général », rappelle Louise Chopinet.

Chez Happy Capital, les entreprises en santé, qui représentent 20 % des levées de fonds réussies historiquement, ont densifié leur présence sur la plateforme en 2018. « 2017 était une année calme, qui a souffert de la suppression de l’ISF-PME », confie Philippe Gaborieau, président-fondateur de la plateforme parisienne. L’an passé, ACS Biotech fut la seule à faire appel à la foule avec sa seconde opération de financement sur la plateforme, clôturée début 2018 à 400 k€. Cette société lyonnaise a mis au point une solution injectable pour la réparation des lésions de cartilage survenues suite à un traumatisme ou à une maladie dégénérative comme l’arthrose. Cette opération de crowdfunding a attiré des subventions françaises et européennes pour près d’1 M€ au total. « Elle va démarrer, en 2019, une levée plus conséquente avec des fonds professionnels », annonce Philippe Gaborieau. De son côté, Peptinov prolonge sa levée jusqu’à fin novembre. Spécialisée dans les maladies inflammatoires chroniques Peptinov, elle avait rassemblé 475 k€ au moment de boucler cet article. « Cette biotech parisienne a séduit, notamment parce que l’arthrose, une de ses cibles, est un sujet qui touche un grand nombre de personnes ». La dernière venue, qui vient tout juste de démarrer une levée de 400 k€, est Amoneta Diagnostics, active dans la détection de maladies neurologiques comme Alzheimer. « Cette société, composée d’une équipe de chercheurs de haut vol, travaille avec 13 centres d’excel- lence et est à 18 mois de la commerciali- sation », énonce Philippe Gaborieau. On attend aussi en novembre Ademtech, une start-up qui travaille sur les tests d’ADN pour la détection de maladies tropicales notamment. Le montant recherché devrait osciller entre 400 et 600 k€. Enfin, deux dossiers en e-santé devraient se lancer avant la fin de l’année. Devant cet afflux, Happy Capital ne se privera pas de renforcer son offre dans le secteur de la santé. « Toutefois, nous essayons de trouver un équilibre entre les projets en amorçage – que sont généralement les biotechs et les projets à des stades plus avancés. Nous ne pouvons donc pas soutenir trop de biotechs en même temps et devons favoriser celles qui ont un time to market relativement court », indique Philippe Gaborieau.