« Aucun média n’a encore décroché la martingale sur le web »
Jean Marie Charon, sociologue des médias, chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux (EHESS), décrypte la crise de la presse quotidienne et le difficile virage vers le numérique. « Les journaux ont perdu 30% de chiffre d’affaires en 10 ans. Qui peut supporter ça? » interroge-t-il. Si aucun média n’a encore décroché la martingale du modèle économique stable sur le web, le sociologue souligne la rareté du modèle Aqui!, pure player gratuit d’information régionale en Nouvelle-Aquitaine.
Pour appréhender le monde médiatique dans lequel il évolue, le groupe de presse Keyop Média de l’entrepreneur bordelais Guillaume-Olivier Doré (Finance-Mag, Say Intelligences Economiques et Aqui.fr), s’est entretenu avec Jean-Marie Charon, sociologue des médias. La période est difficile pour la presse écrite quotidienne qui négocie un virage serré vers le numérique et peine encore à asseoir un modèle économique stable.
Observateur avisé de la dépression qui touche l’économie des médias depuis les années 2000, Jean Marie Charon souligne l’exposition de la presse écrite “qui la première, a pris le choc. Les grands opérateurs de l’internet, à commencer par Google puis les réseaux sociaux et d’autres comme Apple, ont bousculé tout le système des recettes publicitaires. On ne mesure pas, à l’époque, la ponction qu’ils vont effectuer sur le marché publicitaire qui deviendra leur principal mode de revenu et va provoquer la disparition des petites annonces des médias traditionnels.”
- La mortifère course au clic
A la suite de cette première vague, ce sont les budgets des grands annonceurs qui vont progressivement délaisser la presse traditionnelle et se réorienter vers les plateformes numériques. Entre 2007 et 2017, la presse écrite a perdu 30% de son chiffre d’affaires selon une étude du ministère de la culture. “Quel média, quelle activité peut supporter ça sans trop de problèmes ?” interroge le chercheur. Et le rouleau compresseur de la culture de la gratuité sur le web n’a rien arrangé. “Ce ne sont pas les éditeurs de presse qui ont imaginé internet mais les milieux de la recherche ou de la défense pour qui la circulation de l’information était forcément gratuite. La presse écrite s’est engouffrée dans la gratuité, mais elle n’avait pas le choix au risque de laisser regarder le train passer. Elle a accepté cette gratuité en pensant que le nouveau support allait générer des ressources publicitaires massives” retrace Jean-Marie Charon. Et la méthode semblait jouable… jusqu’à la crise des subprimes en 2007 qui a sonné le glas de la généralisation de la gratuité de l’information. “Aujourd’hui, face à la concurrence des réseaux sociaux, on sait que cette course au marché publicitaire qui s’appuie sur la course au clic et à l’information facile, se révèle mortifère. Dès 2015, on s’est rendu compte que le tout gratuit de la presse écrite conduisait à appauvrir les contenus et à rétracter les moyens éditoriaux.”
- Défendre une info de qualité et des valeurs
Les modèles qui traversent la tempête oscillent entre tout abonnement (comme Médiapart), mixte gratuit payant ou quelques rares tout gratuit, comme Aqui.fr qui couvre une actualité régionale transversale aux douze départements de Nouvelle Aquitaine. L’équivalent d’un territoire comme l’Autriche! “Leur point commun: proposer de l’information bien précise à forte valeur ajoutée et ne rien lâcher sur la qualité de cette valeur ajoutée.”
Une marque d’information et un projet éditorial n’ont pas d’autres choix pour se faire connaître, notamment des jeunes, que d’investir les réseaux sociaux. “Puis de développer une stratégie de montée en gamme en concevant de la vidéo, du podcast, de l’enquête ou du journalisme de solution. Mais personne n’a la martingale encore!”
Dans cette course à l’audience derrière les grands acteurs de l’internet peu de place pour les traditionnels de la presse. Mais Jean-Marie Charon préconise un pas de côté en constituant via le web, des communautés d’intérêt et en les fédérant autour de thèmes d’actualité pertinents, comme les enjeux locaux, et en les réunissant autour de valeurs et de principes. Une stratégie qui s’aligne avec les objectifs de Keyop Média.
Pour finir il évoque également le principe du financement participatif qui s’applique très bien à la presse : “on peut aussi imaginer, en dehors de l’abonnement, une rémunération du contenu via le crowdfunding au regard d’un projet qui apporte quelque chose au public” à condition de continuer à respecter la notion de valeur ajoutée apportée aux lecteurs.
En parlant de crowdfunding, les titres du groupe de presse Keyop Média (Aqui!, Finance Mag et SAY Intelligences Economques) réalisent une campagne de financement participatif en ce moment-même, avec Happy Capital.
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